2012/06/21

Appel à communications : Colloque cinéma et poésie (France, Montpellier, 28-30 mars 2013)

Université Paul Valéry Montpellier III
Rirra 21

Un phénomène aussi étrange, aussi fuyant que le cinéma a plutôt besoin d’une approche poétique.
Raoul Ruiz

Aussi étrange que cela soit, si l’on établit une analogie entre le cinéma et les arts du verbe, la seule légitime sera non pas celle entre le cinéma et la prose, mais entre le cinéma et la poésie.
Iouri Tynianov

Cinéma et poésie : les liens tissés entre les deux arts sont nombreux et divers. Sans accéder, sauf exception comme Cocteau, au statut de cinéaste à part entière, des poètes, Apollinaire, Cendrars, Desnos, Prévert, Soupault etc., jusqu’à Game aujourd’hui, se sont passionnés pour le cinéma, ont pratiqué les genres de la critique cinématographique et du scénario, ou du « poème cinématographique », ont tiré du film des leçons techniques ou ont interrogé la spécificité de leur pratique à la lumière de son altérité. En réciprocité, certains cinéastes comme Pasolini, Ruiz, Godard, Paradjanov sont aussi des poètes ou ont créé un cinéma qui intègre la poésie par citation, adaptation etc., un cinéma qu’ils ont – ou que la critique a – pensé en termes de poésie. Les formules « poète de la caméra », « poète du cinéma », « poète du documentaire » sont récurrentes s’agissant de Méliès, de Feuillade, de Flaherty et d’autres. Sans qu’il soit toujours facile de savoir à quelle(s) particularité(s) de ce cinéma il est ainsi fait allusion, tant l’emploi des catégories de poésie et de poétique peut se révéler imprécis.

Désireux de contribuer à la réflexion en cours sur l’interaction des deux arts, le colloque de mars 2013 souhaite, en réunissant des poètes, des cinéastes et des chercheurs de différentes disciplines (littérature, cinéma, éventuellement musique), multiplier les angles de vue. Examiner, d’une part, comment les poètes s’emparent du cinéma, écrivent sur, pour, avec lui (avec ses images, avec ses mythes, avec ses techniques) ; d’autre part comprendre comment le cinéma rejoint la poésie par le travail de la forme, tant sur le plan du son que de l’image (figures, rimes visuelles, musicalité…), ou par la rupture avec certains modes de pensée (rationnelle, diurne).

Au croisement de la théorie, de la poétique historique et de la critique des œuvres, bien des approches sont possibles.

Un premier chantier pourrait s’ouvrir du côté des affirmations, plus ou moins argumentées par les théoriciens et par les créateurs, d’affinités de nature entre le cinéma et la poésie, voire d’une essence poétique du cinéma, dont sont par exemple notées les virtualités oniriques et la capacité à donner forme à la « vérité sombre de l’esprit » (Artaud), voire la proximité avec la pensée magique.

Un autre chantier est à prévoir sur un versant plus technique ou rhétorique, autour des possibles interactions des écritures, des emprunts divers de procédés (synesthésies, correspondances, formes visuelles d’écritures, montage, rythme), en cherchant les points de jonction entre poétique et figural.

Ces deux lignes de recherche ne sauraient toutefois épuiser la question. Moins parce qu’elles ne permettraient pas d’interroger dans sa spécificité le parcours de quelques artistes qui, tels Cocteau ou Pasolini, sont parvenus à conjoindre pleinement les deux pratiques que parce que s’y limiter conduirait à laisser de côté des formes de rencontre qui méritent examen. Par exemple, la citation poétique au cinéma (d’Atom Egoyan à Pasolini, de Fellini à Jean-Luc Godard) et, plus complexe peut-être, la citation cinématographique en poésie. Ou encore les biopics de poètes réels ou imaginaires (Bright Star de Jane Campion, Sayat Nova, couleur de la grenade de Paradjanov, Le cercle des poètes disparus de Peter Weir) par quoi le cinéma s’approprie des personnages et des éléments narratifs que le poème – en particulier le poème contemporain rebelle à la narration – lui fournit moins souvent, encore qu’un poème de Robert Desnos ait pu offrir à Man Ray personnages et scénario de L’Étoile de mer. Ou encore, autre piste d’exploration, le travail que les poètes ont pu mener à partir d’images de film (les plans, les séquences qui font la matière même du Flip-Book de Jérôme Game) ou de héros, de types, de mythes cinématographiques.

Ainsi pourront s’amorcer non seulement une cartographie des points d’intersection mais encore une histoire de la relation, complexe, multiforme, qu’ont entretenue cinéma et poésie, ou, pour le dire de façon moins essentialiste, de la relation qui s’est créée entre les cinéastes et la poésie, les poètes et le cinéma. Car le cinéma n’est pas plus immuable que ne l’est la poésie. Pour interroger leur rapport, le compte tenu des formes historiques qu’ils ont l’un et l’autre revêtues ne peut manquer de se révéler éclairant. Est-il certain en effet que l’enthousiasme que les poètes des années dix et, à leur suite, les surréalistes ont éprouvé pour le cinéma soit resté inchangé depuis le temps des avant-gardes historiques jusqu’aux années 2000, sans que les signes de l’intérêt ne varient, sans que quelque éclipse ne survienne, sans qu’un privilège ne soit parfois accordé à d’autres régimes d’images, comme la photo ou la vidéo ?

Les propositions de communication sont à adresser avant le 30 septembre 2012 à Marion Poirson-Dechonne (études cinématographiques) :marion.poirson@gmail.com, ou Catherine Soulier (littérature française du XXe siècle) : catherine.soulier@wanadoo.fr