Séminaire 2014-2015 ED 267 ARTS ET MEDIAS Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3
L'écoute au théâtre et au cinéma (6e année)
LE CRI (2)
Co-direction : Marie-Madeleine Mervant-Roux, directeur de recherche au CNRS en Études théâtrales (UMR THALIM, équipe ARIAS) et Giusy Pisano, professeur en Cinéma et Audiovisuel (École nationale supérieure Louis Lumière / IRCAV)
Le séminaire a lieu un mercredi par mois, de 18h à 20h30, à l’INHA (Institut national d’histoire de l’art), Galerie Colbert, salle Mariette.
Après deux années dédiées aux bruits du théâtre, de la radio et du cinéma, entre humain et non humain, entre bruissements de la nature et bruitages culturellement construits, entre sons de la scène (de l’écran) et sons de la salle, entre bruit de fond et bruits-événements, entre musique et parasites, c’est à un son exceptionnel, souvent décrit comme bruit et lié à la voix, un son souvent évoqué et/ou entendu durant les exposés et échanges que nous consacrerons à nouveau le séminaire 2014-2015 : le cri. Il s’agit d’aborder l’histoire intermédiale du cri (scream/cry/claim) depuis la fin du XIXe siècle à travers :
- plusieurs approches disciplinaires : histoire sociale et culturelle, histoire des techniques, psychanalyse, philosophie
- l’étude d’œuvres ou de corpus théâtraux, cinématographiques et radiophoniques (dimensions historique, esthétique et anthropologique)
- la praxis des créateurs (radio, théâtre, cinéma)
Comme les années précédentes, chaque séance comportera un « point bibliographique » : un(e) doctorant(e) présentera en une quinzaine de minutes un ouvrage issu de la bibliographie du séminaire, ou en relation directe avec le sujet.
CALENDRIER
14 janvier
M.-M. Mervant-Roux et G. Pisano : Présentation du séminaire
Mélissa Gignac (Université Paris-Diderot)
Le cri visualisé
Le cri est mis en scène de diverses façons dans les films des années 1910. En tant qu'expression d'un état physique ou moral, il sied parfaitement au genre du mélodrame, qui explore la palette des sentiments humains et qui s'épanouit avec l'allongement du métrage. Le cri peut avoir lieu dans l'intimité d'une chambre, ou d'un cachot et symbolise la solitude et/ou la douleur de celui qui l'exprime. Le cri peut aussi se faire l'écho d'une révolte dans les films mettant en scène la Révolution (Quatre-vingt-treize, Le Chevalier de Maison-Rouge de Capellani) et s'accompagne alors de mouvements de foules galvanisées. Cette communication se propose d'étudier la place des bruits, et plus particulièrement des cris, dans les films français de long métrage des années 1910. À partir d'un corpus d'archives variées (découpages, dépôts conformes à la vue, articles de presse et programmes, films) nous tenterons de retracer le processus sonore de certains films (d'Albert Capellani et Léonce Perret notamment), du point de vue de la construction narrative des intrigues, de la mise en scène et du montage. Nous nous interrogerons également sur la place des cris lors de l'exploitation des films, ainsi que sur leur réception : sont-ils entendus ? Comment sont-ils perçus ?
Mélissa Gignac, docteure en études cinématographiques (Université Paris-Diderot), a écrit sa thèse sur le processus de création des films américains et français de long métrage des années 1910, principalement à partir d'archives scénaristiques et filmiques. Conférencière à la Cinémathèque française, elle est chargée de cours à l'Université Paris Est-Marne-la-Vallée, ainsi qu'au Conservatoire Libre du Cinéma Français.
11 février
Mathieu Pierre (Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3 / IRCAV)
Les bruits dans les fictions sérielles
A travers différents exemples tirés de séries télévisées américaines, nous tenterons d'analyser l'intérêt apporté aux bruits au sein des fictions sérielles. Parallèlement, il sera intéressant de s'interroger sur deux aspects opposés et pourtant complémentaires des séries : les gros plans sonores et les silences.
Mathieu Pierre, enseignant dans le secondaire, est chargé de cours à l'université Lille 3. Il travaille actuellement à une thèse de doctorat (sous la direction de Giusy Pisano) où il interroge la place et les aspects du fantastique dans les séries télévisées américaines contemporaines. Il est notamment l'auteur d'articles sur les séries à univers ou sur la tension narrative (suspense, curiosité, surprise).
4 mars
Ada Ackerman (CNRS / THALIM, équipe ARIAS)
Le cri chez Eisenstein, ou la non-indifférente nature
Destinés à susciter la révolte comme à consolider une communauté révolutionnaire, les films d’Eisenstein des années vingt entendent mobiliser le spectateur par tous les moyens possibles. Au sein de cet arsenal, le cri occupe une place déterminante, tant comme affect que comme élément essentiel de composition. Tout en s’attachant à observer les stratégies utilisées par Eisenstein pour figurer le cri dans ses films dits muets, on retracera la place qu’occupe le cri dans ses écrits esthétiques et notamment dans ses réflexions sur le montage audiovisuel.
Ada Ackerman est chargée de recherches au CNRS, au laboratoire THALIM, équipe ARIAS. Historienne de l’art, spécialiste d’Eisenstein, elle a consacré à ce dernier un ouvrage tiré de sa thèse, Eisenstein et Daumier, des affinités électives (Armand Colin, 2013). Elle prépare actuellement un recueil sur la bibliothèque et les lectures d’Eisenstein, à paraître aux éditions Caboose Books en 2015.
8 avril
Pietsie Feenstra (Université Sorbonne Nouvelle Paris 3 / IRCAV)
Le « cri-visuel » : une « voix-filmique » pour l’Histoire
Le cri est censé apporter une sonorité intense : sa puissance sonore dépasse souvent les frontières spatiales et s’impose. Pourtant le cri peut aussi s’exprimer par l’absence de toute sonorité. Dans l’histoire de l’art, entre autres, deux exemples sont emblématiques : Le Cri (1893) d’Edward Munch et Guernica (1937) de Pablo Picasso. Le cri visualisé par la peinture montre la force du silence. Ici, le son est exprimé par le corps, le visage, le gestuel, la composition plastique, la couleur, etc. Le son se fait entendre par le silence. Après une analyse des spécificités du cri en silence, je souhaite analyser comment ce « cri-visuel » peut devenir dans le cinéma une « frappe-sonore » en interaction avec d’autres formes sonores (le silence, les bruits, les dialogues, la musique). Notre proposition s’appuiera sur plusieurs films du cinéma argentin contemporain (notamment, La femme sans tête de Lucrecia Martel, 2007 ; La rabia, d’Albertina Carri, 2008), afin d’analyser le « cri-visuel » comme une métaphore de la voix d’un corps-témoin pour l’Histoire.
Pietsie Feenstra, titulaire d’une habilitation à diriger des recherches (2013), enseigne dans le département Cinéma et Audiovisuel de l’université Sorbonne Nouvelle-Paris 3 depuis 2002. Membre de l’IRCAV, elle s’intéresse à la spatialité de l’Histoire dans sa relation à la culture visuelle (peinture, photographie, cartes postales, films de fiction, nouveaux médias) dans des pays qui ont vécu une rupture importante. L’analyse de la voix filmique et du corps témoin occupe une place centrale dans ses recherches. Derniers ouvrages publiés : Le cinéma espagnol : histoire et culture (dir. avec Vicente Sanchez- Biosca), Armand Colin, 2014 ; A Photographic Portrait of a Landscape, avec l’artiste W. Feenstra, 2012 ; New Mythological Figures in Spanish Cinema. Dissident Bodies under Franco, Amsterdam University Press, 2011 ; Mémoire du cinéma espagnol 1975-2007, CinémAction, 2009.
6 mai
Sabine Quiriconi (Université Paris-Ouest Nanterre La Défense)
Dire l'écrit : silence et cri dans les textes de Marguerite Duras
Sabine Quiriconi est maître de conférences en études théâtrales à l'université Paris-Ouest Nanterre La Défense, co-responsable avec Jean-Louis Besson du master professionnel « Mise en scène et dramaturgie », dramaturge plateau (notamment auprès d'Eric Vigner pour Savannah Bay, La Bête dans la jungle…). Ses recherches portent sur le théâtre contemporain (texte et mise en scène). Elle est l'auteur d'une thèse et de plusieurs articles sur le théâtre de Marguerite Duras : « MD : théâtre », in Les Cahiers de l'Herne, sous la direction de B. Alazet et C. Blot-Labarrère, 2005 ; « Ce qui d’une image n’est pas à voir, ce qui d’un texte n’est pas à lire. Les mises en scène des œuvres de Marguerite Duras par Claude Régy et Robert Wilson », La Revue des Lettres Modernes, « M. Duras 3. Les paradoxes de l'image », sous la direction de S. Loignon, 2009 : « Face à face : la frontalité au théâtre », colloque de Cerisy, « Duras, croisements, rencontres », août 2014 ; ainsi que sur le théâtre de Claude Régy : « Visages du monologue » in Les Voies de la création théâtrale, vol. 23, Claude Régy, éditions du CNRS, 2008, sous la direction de M.-M. Mervant- Roux. Elle participe actuellement à la rédaction du dictionnaire Marguerite Duras.